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LE SITE D'HENRI GOLDMAN
POUR UNE GAUCHE VERTE DANS UNE VILLE COSMOPOLITE


 

10 | Bruxelles : le pont qu'il faut construire

21 MAI 2019

 

Construire des ponts : dans un monde où la compétition de tou·te·s contre tou·te·s est érigée en vertu universelle, c’est un antidote indispensable.
Et à Bruxelles plus qu’ailleurs encore. Le « peuple de Bruxelles », si riche de sa diversité, est encore à construire, tant il est coupé en deux par une fracture sociale qui est aussi environnementale et ethnoculturelle. Si cette fracture devait ne pas se combler, c’est l’explosion qui nous guette. Cette fracture est imprimée dans le territoire bruxellois, jusqu’à la caricature. Dans les lignes qui suivent, je vais en rajouter une couche. 
Au nord et l’ouest vivent « les pauvres ». Leurs quartiers sont les plus denses, leurs espaces verts les plus chiches, leurs logements les plus dégradés. Leurs habitant·e·s y sont très souvent issu·e·s de l’immigration populaire et de culture musulmane. Le taux de chômage est important, notamment à cause de la discrimination à l’embauche qui frappe les trop basané·e·s et les trop foulardées. Cette population fragile vote surtout socialiste, parce que le PS a su s’y rendre indispensable comme défenseur attitré des classes dominées sans pour autant veiller à leur émancipation et au respect de leur dignité. Le clientélisme et le racolage ethnique ne sont jamais exempts de mépris.
Au sud et à l’est vivent « les riches », dans des quartiers aérés et des logements proprets, aux loyers suffisamment élevés pour que la populace des bas quartiers ne puisse s’y installer. Ici, les étrangers sont des « expats » blancs bien propres sur eux et qui ne risquent pas de troubler l’entre-soi des autochtones. On y vote surtout MR, ce parti qui leur explique qu’on a bien raison de s’accrocher à ses privilèges, ceux de la fortune, de l’héritage et de la naissance. Quant à la solidarité, il en faut mais pas trop.
Mais cette image d’Épinal est en train de changer à toute vitesse.
« Les pauvres » :  ils et elles sont maintenant ici depuis trois générations. Ils et elles parlent nos langues aussi bien que quiconque. Ils et elles ont fait des études et disposent d’un capital culturel qu’ils et elles souhaitent investir dans la société globale. Ils et elles ne se sentent plus condamné·e·s à vivre confiné·e·s dans une bulle communautaire pour se protéger. Mais ils et elles

n’ont pas besoin de renier leur culture et leur religion pour se faire une place au soleil. Question de dignité. Même quand on est en train de réussir son ascension sociale, le souvenir de la misère et de l’exil des parents ou des grands-parents fait partie de l’héritage. On n’oublie pas d’où on vient et on n'oublie pas les siens.
« Les riches » : les familles qui en avaient les moyens ont quitté cette ville vécue comme dangereuse pour Lasne et Waterloo. Mais la crise sociale a frappé durement les classes moyennes en transformant les jeunes urbains diplômés en intellectuels précaires. Leurs anciens privilèges ont volé en éclat et ils n’aspirent plus à les reconstituer. S’ajoute à ce déclassement social le goût de l’expérimentation. Le monde change. La ville est pleine d’opportunités. Pour ces jeunes, croiser un Afro-descendant dans la rue ou une dame en foulard et échanger un sourire est la chose la plus naturelle qui soit. Elle fait même fait partie du bonheur de vivre ici.
De la rencontre de ces deux groupes dépendra l’avenir du « peuple de Bruxelles ». Cette rencontre s’opèrera dans l’esprit de la belle devise du Centre bruxellois d’action interculturelle : « Unir sans confondre, distinguer sans séparer ».
J’ai beau chercher dans l’offre politique, je ne vois que celle d’Ecolo/Groen pour préfigurer cet avenir.
 



9 | Mon podium

12 MAI 2019

 

Mon podium sera intégralement de gauche. Selon le sens commun, on classe généralement le PS, le PTB et Ecolo dans la gauche. Mon sentiment est qu’on ne sortira pas d’un capitalisme mortifère si les trésors de générosité qui gisent auprès des militants de ces trois partis ne trouvent pas un jour le moyen de s’additionner. Mais pour y arriver, il faudra que cet espace politique se reconfigure largement. Ça commence déjà. 
Je place le PS sur la marche la plus basse. Les réels mérites historiques du PS sont un souvenir de plus en plus lointain. La social-démocratie est en chute libre presque partout en Europe. En Belgique, le PS a su limiter les dégâts. Mais, du fait de sa trop longue occupation du pouvoir, il s’est hélas transformé en une machine clientéliste qui a loti l’appareil d’État et où on fait carrière. Publifin et le Samusocial ne sont pas tombés du ciel. Il est temps de le ramener à des proportions plus modestes et de mettre fin à son hégémonie sur la gauche. Je lui en veux aussi pour son incapacité à surmonter le système tribal belgo-belge (« la défense des francophones » dont il se réclame parfois m’horripile) et pour son hypocrisie dans la question du foulard des femmes musulmanes qu’il drague lourdement pendant la campagne électorale tout en leur fermant les portes de l’emploi et de la formation. 

Je mets le PTB sur la deuxième marche. Je suis impressionné par l’activisme qu’il déploie depuis des années et par sa capacité à mettre à l’agenda quelques points importants de programme : fiscalité, santé, logement, antiracisme… Sa conversion climatique me semble mieux digérée que celle du PS. Mon principal désaccord avec lui, mais il est de taille, concerne la question démocratique. Comment faire évoluer la société quand on se sait durablement minoritaire ? Comment faire rimer convergence et concurrence ? Le PTB ne répond pas à la question. Il y a à cela des raisons théoriques – le pluralisme politique est absent de son « socialisme 2.0 » qui flirte encore avec la notion de « parti dirigeant » – et des raisons de circonstance parfois timidement avouées : le PTB est toujours en phase de construction et n’a pas suffisamment de cadres pour mener simultanément à bien une expérience de participation au pouvoir, la consolidation de son organisation qui recrute à tour de bras et la fidélisation d’un électorat volatile qui, en partie, pourrait aussi bien se reporter sur l’extrême droite s’il y avait une offre consistante de ce côté. Bref, le PTB « n’est pas prêt ». C’est honorable, mais c’est maintenant que ça se joue.
Mon choix de mettre aujourd’hui Ecolo en haut du podium est, bien sûr, un choix de fond. C’est tout de même l’écologie politique qui a pointé avant tout le monde l’urgence climatique et l’environnement comme nouveau terrain des inégalités sociales. C’est elle qui, à mes yeux, exprime le mieux toute la créativité d’une société civile non marchande où s’expérimente un au-delà du capitalisme. Mais c’est aussi un choix de circonstance : nous vivons en ce moment, en Wallonie mais encore plus à Bruxelles, un « momentum » unique en Europe. Le gouvernement bruxellois qui sortira des urnes après le 26 mai peut être le plus à gauche et le plus ouvert à ce cosmopolitisme qui m’est cher par rapport à tout ce qu’on a connu dans le passé. Contrairement au PTB, parti monolithique dans la tradition léniniste, Ecolo est un parti traversé de multiples sensibilités, qui constituent en même temps sa fragilité et sa richesse. J’espère que celle dont je me sens proche, incarnée par des personnalités comme Philippe Lamberts et Zoé Genot, deux figures très populaires auprès de la nouvelle génération verte, saura pousser ce parti à mieux assumer son réformisme radical. C’est un pari, bien sûr, mais il faut le prendre car l’occasion ne se représentera pas de sitôt. 

 

8 | Bruxelles : le momentum vert

5 MAI 2019

 

Je lis ici ou là des appels individuels ou collectifs à voter PS, PTB ou Ecolo. Tous font état d’excellentes raisons qui me parlent. J’ai souvent beaucoup en commun avec les signataires de ces appels. Et notamment ceci : nous ne donnons pas un blanc-seing, nous faisons un choix de raison.
Ma démarche est un peu différente : je n’appelle pas seulement à voter Ecolo, je suis sur une liste Ecolo. C'est un cran plus loin que la simple signature d’un appel. Je fais campagne pour être élu. En passant, cela signale une différence entre ce parti et les deux autres. Ma présence sur la liste bruxelloise d’Ecolo ne me transformera jamais en bon petit soldat du parti. La loyauté n'exclut pas le sens critique. Ecolo m’a pris et m’accepte avec les accents particuliers que je donne à ma campagne. Ces accents – marqués à gauche et portés à la valorisation d’un peuple bruxellois cosmopolite – sont bien sûr compatibles avec le programme général d’Ecolo qui me convient. Mais ils colorent ce programme de mes propres accents. Ça dit quelque chose de la culture démocratique de ce parti. Je ne crois pas que c’eut été possible dans d’autres formations.
Mais ceci est accessoire. Mon engagement, à l’été 2018, est la conséquence d'un momentum bruxellois que, comme analyste politique, je pressentais et qui s’est trouvé confirmé au-delà de mes espérances par les résultats des élections communales d’octobre et par les derniers sondages. Ce momentum se caractérise par :
- Un tassement prévisible du Parti socialiste qui n'arrive plus à cadenasser comme hier son électorat populaire bruxellois. Ce tassement profite largement au PTB qui effectue une belle percée.
- Un tassement simultané et nettement moins prévisible dans de telles proportions des partis du centre et de droite : MR, Défi, CDH. Ce tassement, dont Ecolo est le grand bénéficiaire, indique une mutation profonde de la sociologie bruxelloise. La bourgeoisie traditionnelle – professions libérales, cadres supérieurs – vieillit et a massivement déménagé hors des 19 communes pour laisser la place à une population jeune d'intellectuels précaires attirée par les aventures urbaines et particulièrement sensible aux droit humains, aux inégalités dans divers registres et à l'expérimentation sociale. 
- Les offres politiques de droite dure ou d'extrême droite font un flop. La population bruxelloise se révèle définitivement peu perméable à des idées qui rencontrent pourtant du succès partout ailleurs.
Ainsi s
e dessinent à Bruxelles les contours d'un nouveau "bloc historique" qui pourrait rassembler autour d'un même projet de ville les classes populaires – qui à Bruxelles sont massivement d'origine immigrée – et les nouvelles classes moyennes urbaines, dont une partie croissante est d'ailleurs aussi d'origine immigrée et de culture musulmane.

Dans la prospective électorale, cela se traduit par un très net déplacement vers la gauche du centre de gravité politique. Pour que cet essai puisse se traduire sur le terrain politique, il importe qu'Ecolo, qui se retrouve au cœur de cette mutation, gagne le leadership au sein de la gauche bruxelloise. Il est temps que le PS en rabatte de ses comportements hégémoniques qui lui font truster toutes les positions de pouvoir dans notre ville.
Si celle-ci se réveillait demain avec une Ministre-présidente issue de l'immigration ouvrière marocaine, le retentissement sera énorme, ne fut-ce que sur le plan symbolique. Pour le reste, c'est un pari. Mais jamais les conditions n'ont été aussi favorables pour le tenter et le réussir.

 


 

 

7 | Quelle TVA sur l'électricité ?

23 AVRIL 2019

 

Depuis déjà des années, cette question divise la gauche politique : faut-il ramener la TVA sur l’électricité de 21 à 6 % ? Cette revendication fut et est toujours fortement soutenue à la fois par le PS et le PTB, mais pas par Ecolo. Ce qui vaut aujourd’hui au parti vert d’être épinglé par ses concurrents de gauche : le refus d’Ecolo de souscrire à une telle mesure démontrerait bien son insensibilité à la question sociale.
Il y a pourtant du beau monde, en dehors d’Ecolo, pour penser le contraire. Ainsi, lorsque, le

29 novembre 2013, le gouvernement Di Rupo procéda à une telle diminution [1], le Mouvement ouvrier chrétien publia un communiqué expliquant pourquoi cette diminution était "une fausse bonne idée". 

Extraits :
"Cette mesure va peser lourdement sur le budget de l’État. […] On évoque un coût global de 500 millions d’euros pour la collectivité. Il s’agit là d’une perte de recettes conséquente alors que le gouvernement effectue des coupes budgétaires sévères dans toute une série de secteurs et que l’on évoque encore un effort de l’ordre de 8 milliards d’euros pour 2015."

"Étant donné que la consommation d’électricité augmente avec le revenu, cette mesure est profondément injuste car elle va bénéficier essentiellement aux ménages les plus aisés. L’Institut pour un développement durable l’a bien démontré : les 20 % de ménages les plus pauvres économiseraient 75 euros par an contre près du double pour les 20 % de ménages les plus riches."
"Cette baisse de la TVA constitue un très mauvais signal en termes de consommation responsable de l’électricité dans un cadre de renchérissement continu de l’énergie.

En résumé : cette mesure n’est pas une mesure sociale, car elle profite plus aux gros consommateurs qu’aux petits. Elle n’est pas non plus une mesure écologiste, car elle encourage les gaspillages qu'elle rend moins coûteux. Et c’est une mesure libérale, puisqu’elle finance un avantage individuel indifférencié par une diminution des recettes publiques. L’électricité, un bien de première nécessité ? Oui, pour une première tranche de kilowattheures consommés, dont personne ne pourrait décemment se passer. Au-delà, il s’agit d’un produit de luxe, dont la consommation doit être découragée.
Pour répondre à ces exigences qui peuvent sembler contradictoires, il faut plaider "
pour une logique tarifaire qui permette à tous une consommation de base à bas prix, et qui s’accompagne d’une augmentation progressive des tarifs au fur et à mesure que les quantités consommées sont plus élevées", comme l'ont rappelé, avec d’autres, Thierry Bodson (FGTB wallonne), Marc Becker (CSC wallonne), Ariane Estenne (présidente du MOC) et Christine Mahy (Réseau wallon de lutte contre la pauvreté) dans  Le Soir (12 avril 2019) Les signataires ajoutaient : "Il conviendra d’accompagner et de soutenir par ailleurs les ménages à faibles revenus qui ont des consommations élevées dues à la médiocre qualité de leur logement ou de leurs équipements. C’est pourquoi cette politique tarifaire doit s’accompagner d’une politique de rénovation du parc de logements en priorisant les logements les moins bien isolés." La TVA perçue pourrait notamment y contribuer.
Avec ses allures démagogiques de cadeau fiscal aux démunis, cette revendication me semble à la fois socialement et climatiquement irresponsable. Il faut un fameux culot pour en faire une mesure emblématique « de gauche ».



[1] Celle-ci fut d’application jusqu’au 1erseptembre 2015.

 

6 | Ecolo = bobo !

15 AVRIL 2019


Voici le hit parade lexical du bashing auquel Ecolo est soumis depuis que la perspective de son possible succès électoral donne des boutons à la concurrence.
De droite :
- Ecolo, c'est un parti pastèque : vert dehors, rouge dedans. [Oui, à de nombreux égards, Ecolo partage l'héritage des luttes d'émancipation qu'on associe souvent à la gauche. Aucune honte à avoir, au contraire.]
- Ecolo, c'est de l'écologie punitive. Nouvelles taxes à tous les étages. D'ailleurs, le mot "taxe" se retrouve 492 fois dans son programme. [N'importe quoi.]
 De gauche :
- Voter Ecolo, c'est voter MR, car ils s'allieront après les élections. [Aux niveaux bruxellois, wallon et de la Communauté française, il n'y a pas le moindre risque d'une telle alliance. Au niveau fédéral, le premier objectif de tous les progressistes, ce sera d'éviter un nouveau gouvernement Michel II qui est la première option des libéraux et de la N-VA.

- Ecolo = bobo. Ecologie bisounours, s'intéresse plus aux abeilles et aux petites fleurs qu'aux êtres humains. Questions sociales, milieux populaires ? Connaît pas. 
Les lignes qui suivent sont à l'intention des personnes qui s'amusent à colporter ce cliché.
Vendredi matin. Avec quelques candidats de la liste, on se retrouve chez Bouchra (prénom d'emprunt, comme les autres prénoms utilisés). Elle est professeur de religion islamique en quartier populaire (car c'est surtout là qu'habitent nos concitoyen·ne·s musulman·e·s) et a réuni quelques collègues pour nous interpeller sur le projet de suppression des cours de religion que le PS, entre autres, a mis à son programme. Ce n'est pas le point de vue d'Ecolo. On convient que, quand il s'agit d'émancipation, le paternalisme est une plaie. On ne sort pas de là avec un accord sur tout – le cours de citoyenneté fait notamment débat – mais avec l'engagement d'une évaluation où toutes les parties seront écoutées. Y compris celles qu'on ne consulte presque jamais. 
Vendredi soir. On est invité en bordure du canal par Rachida, Inès et tout un groupe de mères séparées qui viennent de gagner une bataille : le plafond des revenus pour avoir droit à l'intervention du Secal (le service des créances alimentaires, qui intervient quand le conjoint est défaillant) a été relevé. Elles ont souhaité poursuivre sur cette lancée en sensibilisant des élus progressistes à leur situation. Bonne délégation d'Ecolo, pourtant non concertée, venue écouter et apprendre. En off, Rachida nous dira qu'elle ne s'attendait pas à recevoir un tel soutien de la part d'un parti nommé Ecolo – un intitulé dont on a bien dû mesurer le malentendu qu'il génère en milieu populaire.
Dimanche après-midi. Une association d'Afro-descendants qui s'occupe d'écologie urbaine veut nous rencontrer. Surprise pour elle : un parti qui s'appelle Ecolo ne se préoccupe pas seulement d'environnement. On parlera bien sûr de mobilité et de transition – les voitures électriques en ont pris un coup – mais, finalement, on aura autant parlé de migration que de notre supposé core business monothématique
Avis à la cantonade : les écolos que je rencontre et avec qui je fais campagne sont des femmes et des hommes 
que les questions sociales mobilisent au premier chef et qui le démontrent chaque jour. Alors "Ecolo = bobo", vous repasserez.

5 | Vous avez dit "pouvoir d'achat" ?

6 AVRIL 2019


Le pouvoir d’achat revient en force dans le débat politique. Pour ma part, je n’utilise jamais cette expression, la trouvant trop ambiguë. Le simple fait que sa défense soit simultanément revendiquée par une FGTB très remontée, à juste titre, contre le gouvernement fédéral et par Charles Michel lui-même, qui en avait fait un des trois objectifs de son gouvernement bis sans la N-VA, devrait éveiller quelques soupçons.

Il y a deux pistes pour améliorer le pouvoir d’achat. La première : on augmente les salaires et les allocations sociales. La seconde : on diminue les taxes et les impôts. Cette dernière piste s’adresse directement à l’État à qui il est demandé de "diminuer la pression fiscale" pour préserver les revenus individuels. C’était la demande initiale des gilets jaunes en France à propos d’une taxe sur le carburant. Si elle fut aisément satisfaite, c’est qu’elle entrait en résonance avec les politiques libérales pour qui le maintien du pouvoir d’achat ne peut être financé que par une cure d’amaigrissement de l’État, des services publics et de la sécurité sociale, c’est-à-dire sans mettre les plus hauts revenus à contribution.

Pour les organisations sociales et les partis de gauche qui utilisent la rhétorique du pouvoir d’achat, la philosophie est différente : il s’agit plutôt de restaurer la part des salaires et des allocations sociales qui a sensiblement reculé à l’avantage des profits dans la répartition du revenu national. Pourtant, l’usage d’une terminologie aussi ambiguë n’est pas neutre. L’insistance sur le  pouvoir d’achat  suggère que le bien-être se mesure à ce qu’on est capable d’acheter. Elle nous renvoie ainsi aux illusions consuméristes d’une période révolue, illusions que le monde du travail avait longtemps partagées avant l’émergence de la critique écologiste. Or, notre bien-être ne dépend-il pas largement de l’existence de services publics bien financés, donc peu coûteux, voire gratuits, et réellement universels – dans l’enseignement, la santé, la mobilité, la culture ? N’est-ce pas la régression de ces services publics, en volume et en qualité, qui oblige les particuliers à se procurer sur le marché ce que les services publics ne fournissent plus complètement ? Par ailleurs, le bien-être ne se mesure-t-il pas aussi à la qualité de l’air, à la beauté des paysages, à la saveur des aliments qu’une transition écologique sous-financée n’arrive pas à préserver, ainsi qu’au temps libéré, notamment via la réduction du temps de travail ?

Les ambiguïtés qu’a charrié à ses débuts le mouvement des gilets jaunes – et qui lui a valu des soutiens à la fois à gauche et à droite du spectre politique – sont les mêmes que celles qui sont attachées à la notion de pouvoir d’achat. S’il ne saurait être question de faire payer la transition écologique aux plus démuni·e·s, c’est une illusion de croire que tout pourra continuer comme avant, à l’exception du 1% de super-riches. L’obligation de faire diminuer notre empreinte écologique qui épuise les ressources naturelles et de réduire, dans ce but, les productions inutiles et les activités polluantes aura des effets sur le mode de vie de toute la population. Il reviendra aux politiques publiques de faire en sorte que cette transition écologique apporte plus de qualité de vie à la majorité d’entre nous et que cette exigence se traduise par plus de justice sociale et fiscale.

 

 

 

4 | Justice sociale, justice environnementale…

26 MARS 2019


Cela m’a sauté aux yeux en rentrant de la manifestation antiraciste du dimanche 24 mars. Une manifestation jeune, enthousiaste et colorée. Mais ces jeunes-là ne venaient pas des mêmes quartiers, ne sortaient pas des mêmes écoles que ces autres jeunes qui manifestent pour le climat. Même constat à l’échelle planétaire : la cause climatique ne fait pas recette en Afrique, et même pas non plus en Europe du sud. Greta Thurnberg est suédoise. Pas tunisienne, congolaise ou portugaise.

Être sensible à la crise climatique n’est pas donné à tout le monde. C’est une urgence absolue, mais celle-ci n’est pas évidente pour des jeunes dont la mère fait des ménages et dont le père est chômeur, qui ne partent pas en vacances et ne mangent pas bio parce que c’est trop cher. Quand la précarité mine votre quotidien et bouche votre avenir, vous ne voyez pas ce que des revendications climatiques très générales pourraient y changer. 

Or, la carte des inégalités sociales se superpose exactement à celle des inégalités environnementales. À Bruxelles, il en est ainsi depuis des siècles. Quand les premières entreprises se sont installées dans la vallée de la Senne, les ouvriers furent logés sur la rive gauche plate et marécageuse, à proximité de leur lieu de travail, tandis que les bourgeois montaient vers le haut de la ville pour se mettre à l’abri des fumées et des mauvaises odeurs. Aujourd’hui, c’est toujours dans les quartiers populaires que se concentrent les nuisances environnementales, que la pollution de l’air est la plus préoccupante à la sortie des écoles, que les espaces verts, publics et privés, sont les plus réduits. Les personnes qui y vivent auraient encore plus de raisons que d’autres d’être préoccupées par les questions d’environnement.
Pour prendre au sérieux le beau mot d’ordre qui commence à s’imposer "Pas de justice environnementale sans justice sociale" et vice-versa, il faudra faire en sorte que ces deux exigences ne se tournent pas le dos, en étant chacune portée par deux segments différents de notre population qui s’ignorent. Que les travaux d’un nouveau métro annoncé, dont on nous dit qu’il serait justifié pour lutter contre la congestion automobile – je n’en suis pas convaincu, mais soit… –, ne massacrent pas durablement des quartiers populaires déjà fragilisés par la spéculation immobilière. Que les travaux d’assainissement autour de la zone du canal ne servent pas de prétexte à changer la composition de la population au profit des classes aisées – c’est malheureusement déjà le cas. Ou, pour changer d’échelle, qu’une baisse de la TVA sur l’électricité, justifiée socialement pour une consommation de base dont personne ne pourrait se passer, ne s’applique pas de manière démagogique à toutes les consommations électriques, y compris les plus gaspilleuses alors que la diminution de la consommation globale d’énergie doit être un objectif de toute politique climatique.  
Justice sociale, justice environnementale : la poursuite simultanée de ces deux objectifs doit être au centre de l’écologie progressiste qui, je l’espère, donnera le ton dans la prochaine législature bruxelloise.



3 | Vous avez dit "candidat d'ouverture" ?!

20 MARS 2019


"Ne dites pas à ma mère que je suis candidat d’ouverture, elle me croit pianiste dans un bordel". J’exagère à peine. Depuis quelques jours, on assiste à une inflation de "candidats d’ouverture" que d’acerbes commentateurs brocardent comme des "attrape-voix", comme on aurait dit des "attrape-mouches". D’accord avec eux : ce racolage frénétique en dit long sur le vent de panique qui souffle sur le petit cénacle d’installés qui squatte le service public de la politique. Publifin, le Samusocial et le Kazakhgate sont passés par là. Relevons la propension de certains partis, plutôt de droite, à recruter des présentateurs et des présentatrices de télévision dont le visage est très connu et les idées pas du tout. Au-delà de leur élocution châtiée et de leur look étudié, on ne voit pas en quoi ces personnages apportent une quelconque plus-value de fond aux partis qui les recrutent. "Attrape-voix", on disait. 

Je fais partie de la dizaine de candidats d’ouverture présentés sur les listes Ecolo à Bruxelles. Pour Ecolo, il s’agit d’élargir la palette des personnalités et des parcours au-delà du périmètre de ses propres membres encartés. Aucun attrape-voix dans le lot. Cette ouverture est sans doute plus naturelle à Ecolo que dans d’autres partis, étant donné que ses règles internes (rétrocession d’une part importante des rémunérations, limitation des mandats dans le temps) favorisent les aller-retour entre la société civile et la fonction politique, en réduisant la fracture souvent béante qui sépare ces deux mondes.
Être candidat d’ouverture, ça fait quelle différence ? Les membres d’Ecolo ont eu la possibilité de peser sur le programme de leur parti. Les candidats d’ouverture ne l’ont pas eu. Leur engagement est de l’ordre du contrat. Ecolo leur offre la possibilité d’inscrire leurs propres priorités dans le cadre général de son action. (Les miennes sont exposées sur ce site.) En échange, ils reconnaissent que, de tous les partis en lice, c’est Ecolo qui rencontre le mieux leurs propres préoccupations, même si elles ne coïncident pas complètement. Ces petites différences leur permettent aussi d’infléchir les positions d’Ecolo à la mesure du soutien que les électeurs leur apporteront. Pour ma part, c’est, de très loin, dans l’offre politique, celle qui se rapproche le plus de mes idées et de ma conception de l’action politique. 

Il y a une autre raison à mon engagement : aujourd’hui, Ecolo est vraiment "au cœur du changement". Rarement un slogan de campagne ne m’aura semblé aussi juste. Pour des raisons politiques, mais aussi sociologiques, démographiques et culturelles, c’est bien aujourd’hui autour d’Ecolo que se rassemblent les forces vives émergentes qui peuvent faire bouger la société dans le sens d’un avenir désirable. C’est une aventure collective que j’avais envie de partager, ici et maintenant.

 

 

2 | De Christchurch à Bruxelles

15 MARS 2019


14 mars 2019 : attentat islamophobe dans deux mosquées à Christchurch, Nouvelle-Zélande. 50 morts.
27 octobre 2018 : attentat antisémite dans une synagogue à Pittsburgh, États-Unis. 11 morts.
Les auteurs de ces massacres se ressemblent : des "suprémacistes" blancs pétris des discours délirants de l'extrême droite qui se sentiraient menacés par la présence pacifique de personnes venues d'ailleurs, elles-mêmes, leurs parents ou leurs grands-parents. Horreur et compassion.
Mais le parallèle entre Pittsburgh et Christchurch a quelque chose de salutaire : les Juifs et les musulmans, qu'on persiste si souvent à opposer dans une désastreuse concurrence des victimes – notamment à cause de la tragédie 
que vit le peuple palestinien du fait d'un État qui prétend agir au nom de tous les Juifs du monde sans demander leur avis – se retrouvent unis par le drame que certains des leurs vivent aujourd'hui ou ont vécu hier. C'est vrai pour les crimes de masse comme pour le petit racisme quotidien, celui des tags antisémites et des brutalités contre les musulmanes voilées.

Je sais que, du côté musulman, certains ont des réticences à nommer l'antisémitisme, tant celui-ci a été brandi jusqu'à plus soif pour faire taire les critiques visant Israël. Je sais aussi que, du côté juif, certains refusent même d'utiliser le mot "islamophobie", considérant que le simple usage de ce terme serait une concession aux salafistes. Je le sais. Mais c'est rarement le cas en Belgique. Dans la mouvance antiraciste belge, on ne trie pas entre les victimes. Et les organisations de minorités – qu'elles soient juive, arabo-musulmane ou afrodescendante – ne se contentent pas de dénoncer la barbarie qui les vise chacune séparément. Ici, la solidarité entre les diverses victimes potentielles du racisme fait chaud au cœur. Elle s'exprimera encore le dimanche 24 mars dans les rues de Bruxelles.
Il paraît que l'auteur de la tuerie de Christchurch se réclame de la "théorie" du grand remplacement : un complot (?) viserait à remplacer les peuples blancs par des peuples basanés par le biais d'une immigration incontrôlée. Je le relevais déjà dans mon acte de candidature : à Bruxelles-la-cosmopolite, ce "grand remplacement" a déjà eu lieu, et cette ville multiculturelle est devenue un modèle, bien sûr perfectible, d'un vivre-ensemble respectueux qui nous enrichit tous et toutes. Pour rappel : sur les 695 conseillers communaux intronisés en octobre, pas un seul d'extrême droite.

Cette ville, ma ville, résistera au racisme.

C'est aussi pour cette raison que je l'aime et m'y sens bien.


Les jeunes de l'Union des progressistes juifs de Belgique manifestent contre le racisme, 24 mars 2018.

 

 

1 | Les étrangers votent à Anvers.

Pourquoi pas à Bruxelles ?

9 MARS 2019


Les experts ont tranché : le droit de vote des étrangers aux élections régionales bruxelloises est impossible dans le cadre constitutionnel actuel. Cette demande est portée depuis des mois par les militants de 1bru1vote avec des arguments démocratiques imparables. Mais, pour le constitutionnaliste de l'UCL Marc Verdussen, il n'y aurait que deux pistes : "Soit on révise la Constitution pour insérer une dérogation à la condition de nationalité belge pour les élections régionales. Soit on modifie le droit européen." (Le Soir, 9 mars 2019). On peut oublier la deuxième piste, étant donné le climat actuel qui prévaut dans l'Union européenne à l'égard des étrangers. Quant à une révision constitutionnelle, elle n'est pas à l'agenda et ferait l'objet de tels marchandages qu'il serait bien présomptueux aujourd'hui d'en espérer plus de bien que de mal.
Mais d'où vient en réalité le problème ? Bruxelles n'est devenue une Région… que parce qu'elle n'est pas considérée comme une ville, mais encore toujours comme un agglomérat disparate de 19 communes. Celles-ci portent la mémoire des anciens villages séparés les uns des autres par de la campagne. Mais depuis longtemps déjà, ceux-ci se sont fondus dans une réalité qui les dépasse largement. Les fusions de communes qui ont opéré sur tout le territoire entre 1977 et 1983 ont permis de faire mieux correspondre la réalité administrative avec la réalité morphologique des espaces bâtis. Partout… sauf à Bruxelles. Résultat : la capitale officielle de la Belgique, avec ses 
183 000 habitants, n'est que la cinquième ville du pays, loin derrière Anvers (521 000), Gand (255 000), Liège et Charleroi (200 000). 

Le maintien d'une dénommée "Ville de Bruxelles" au cœur de la véritable Ville de Bruxelles sept fois plus peuplée pose des tas de problèmes à son organisation. Elle ajoute aux difficultés vécues par toutes les métropoles une couche supplémentaire dont elle se serait bien passée.

(Pour un argumentaire complet, voir Demain Bruxsels.)

Mais cette situation a un effet particulier sur la question démocratique évoquée à juste titre par 1bru1vote. Tant le traité de Maastricht (1992) pour le niveau européen que la loi belge (2004) ont estimé que les élections locales devaient être ouvertes aux résidents étrangers. Et "le local", cela englobe en premier lieu les villes où vit désormais la plus grande partie de la population. Ainsi, en octobre 2018, les résidents étrangers ont pu participer à l'élection de Bart De Wever à Anvers ou de Paul Magnette à Charleroi. Logique : ils paient leurs impôts et ont bien le droit de donner leur avis sur la manière dont ils sont utilisés. Partout… sauf à Bruxelles où, pourtant, leur nombre est proportionnellement plus important que partout ailleurs. Là, ces résidents ont pu voter au niveau de leur ancien village, mais pas au niveau de la ville puisque celle-ci, administrativement, n'existe pas. Et ils ne pourront pas voter pour la Région, selon l'avis bien étayé de Marc Verdussen.
Bruxelles est une Ville-Région. Comme le sont Vienne, Berlin, Brême ou Hambourg. Elle devrait pouvoir absorber toutes les compétences à la fois locales et régionales. Le surréalisme institutionnel belge l'interdit. Mais on pourrait déjà s'en approcher en fusionnant les communes bruxelloises, tout en maintenant au niveau des actuelles communes tout ce qui doit relever de la proximité. Cette décision dépend du Parlement bruxellois et de lui seul. Ainsi, les résidents étrangers pourraient voter au niveau de toute la ville, comme le demande 1Bru1vote. Ce n'est assurément pas la seule raison de vouloir la fusion. Mais c'est une de plus.